mercredi 29 février 2012

Bruno Piettre sur l'adolescence


Voici le compte-rendu d'une conférence APEL animée par Bruno Piettre à Notre Dame du GRANDCHAMP (document trouvé sur Internet)

Les trois transitions importantes de notre vie sont la naissance, l'adolescence et la mort. L'adolescence (du latin adolescere : grandir, croître) commence donc à la mort de l'Enfance pour se terminer à la naissance de l'Adulte. L'adulte est celui qui a acquis sa finalité (ad ultima) et qui a compris ce pourquoi il est fait.

Bruno Piettre nous propose ici de réfléchir sur ce temps de passage qu'est l'adolescence, au cours duquel interviendront de grandes évolutions du corps, du cœur, de l'esprit et de l'âme de l'enfant, en vue de mieux comprendre notre mission de parents et d'éducateurs.



Pour devenir adulte l'adolescent va devoir atteindre sa maturité dans les quatre dimensions qui caractérisent sa nature et sa personnalité, c'est à dire :

1- une maturité physique qui lui permettra de donner la Vie (fin de la puberté),

2- une maturité affective qui lui permettra d'aimer et être aimé,

3- une maturité sociale qui lui permettra de trouver sa relation avec le monde, pour choisir et s'engager,

4- et une maturité spirituelle (la plus tardive) qui lui permettra de se reconnaître enfant de Dieu et de donner un sens à sa vie et au dessus de toutes les religions.

L'éducateur est celui qui fait grandir l'adolescent vers l'extérieur. Les parents sont donc là pour révéler aux enfants ce qu'ils sont et ce qui les rendra adultes, dans un monde sans limite, dur, repoussant, en manque de repères et transmettant des messages incohérents.

L'adolescent doit donc faire le deuil :
- de sa propre enfance et des paradis perdus (le prince charmant de la famille)
- de son image d'antan,
- et du rêve, pour rentrer dans la réalité du Monde et de sa vie d'adulte.

1ère partie – Qu'est ce qui bouge pendant l'adolescence ?

1ère dimension : un profond changement du corps de l'adolescent

1- Tout est bousculé par la montée des hormones, à 13 ans pour le garçon et 11-12 ans pour la fille. Pour le garçon le taux de testostérones est multiplié par 50 (l'hormone de la survie et de l'agressivité). C'est un séisme morphologique qui entraîne un séisme relationnel et puis psychologique.

Sur le plan physique cela entraîne :

a- un trouble de l'innocence qui aujourd'hui est déjà très abîmée par la pornographie (les images restant indélébiles avant l'adolescence, elles peuvent entraîner des troubles obsessionnels chez l'adolescent) ;

b- une grande différenciation entre les garçons et les filles, qui devrait pourtant les conduire à une meilleure connaissance l'un de l'autre ;

c- avec la montée des hormones une attirance pulsionnelle puis sentimentale ;

d- une entrée dans la préférence, obligeant les adolescents à choisir.


Nos qualités et nos défauts nous viennent :

- pour 1/3 de notre héritage familial et sont donc déterminés dès la conception,

- pour 1/3 de l'acquis reçu pendant la grossesse et jusqu'à nos 18 mois (fermeture de la fontanelle)

- pour 1/3 de notre éducation culturelle et intellectuelle et de notre expérience (échecs et réussites). Pendant l'adolescence il faudra donc jouer ce seul tiers encore modifiable

Pour le garçon son organe sexuel passe par la vue, et pour la fille c'est le touché (10 fois plus sensible). Et ces différences vont donc prendre de plus en plus d'importance au cours de l'adolescence. Par ailleurs le garçon regarde au loin sans voir qui est à coté de lui (d’où son sens de la verticalité et son égoïsme naturel) et la fille voit tout autour d'elle sans regarder au loin (d'où son sens de l'horizontalité et son besoin de communiquer).

L'adolescence de la fille dure environ de la 6ème à la 5ème /4ème. Et dès la 6ème elle a 18 mois d'avance sur le garçon et possède 3 fois plus de mots. Elle devient une jeune fille :
- à 11 ans par un changement considérable de son corps (sa poitrine) qui la fait rentrer dans sa féminité,
- puis à 13 ans (les règles). Il faut alors valoriser la nouvelle jeune fille qui peut donner la vie. Sinon cela pourrait la conduire à un sentiment anormal d'impureté.

La jeune fille grandit plus rapidement que le garçon ; cela la trouble et peut l'amener à refuser son propre corps, voire un excès de contrôle d'elle même jusqu'à l'anorexie.

Par contre pour le garçon sa puberté commence au début de sa 4ème et jusqu'à la 3ème, quand la fille a fini de se développer. Pour le garçon la barbe n'arrive pas avant ses 17 ans. A 13 ans passés la fille a donc conscience de sa maternité. Par contre le garçon ne sait pas s'il peut être père. Mais après ses 15 ans il veut vérifier sa masculinité avec les images pornos. L'éducateur aura un rôle essentiel pour donner du sens aux découvertes de l'adolescent et ainsi lui faire prendre conscience des réalités qu'il va devoir affronter.

2ème dimension : une évolution de l'affectivité et un apprentissage de l'Amour vrai

Les enfants vont apprendre à aimer. C'est l'âge du complexe d’œdipe (le rêve d'épouser sa maman pour le garçon et son père pour la fille). Et il va falloir apprendre à nos adolescents à aimer sans rejeter les différences du sexe opposé. Les maintenir trop longtemps dans l'enfance pourra se traduire par de vraies angoisses.

A 11 ans la fille veut embrasser le garçon car cela lui donne des frissons. Elle a aussi une frénésie de la communication (appel téléphonique incessants). A 13-15 ans elle veut faire ce que veut l'autre au lieu d'être dans l'Etre. Elle a une très grande aptitude à l'empathie (ce qui lui donne une grande compréhension des ressentis d'autrui), alors que le garçon est cloisonné et se tourne vers lui-même (c'est un grand solitaire).

La maladie de notre société est d'apprendre à faire l'amour au lieu de pratiquer l'amitié (source de compréhension de la fidélité dans l'Amour). Le garçon et la fille fonctionnent en sens l'inverse : le garçon part de la pulsion, puis à la sexualité et à la tendresse, pour arriver seulement après à l'Amour vrai. La fille fonctionne totalement à l'inverse. Si la jeune fille suit le garçon elle ne sera plus elle-même. Nous sommes faits par l'Amour pour rentrer dans l'altérité. Ce sera une recherche de l'Amour vrai malgré nos différences.

3ème dimension : une évolution de la pensée et de la raison et un engagement dans le monde.

Il faut donner conscience à l'adolescent de ce qu'une transgression. L'important est cette conscience de transgresser un interdit et non l'acte en lui-même. Il faut lui donner des convictions car elles sont vivantes et peuvent évoluer avec l'âge alors que les certitudes sont figées.

A 14-15 ans le garçon se croit adulte avant l'âge. Il faut pouvoir lui opposer une contradiction forte et une contestation constructive. Le garçon est dans la provocation par nature. Il a besoin d'un homme pour s'identifier à lui et bien sûr si possible son père.

Parents soyons présents et soyons répondants, car c'est la relation qui est importante ! Un des points importants est construire le jugement du jeune en appréciant les choses à leur juste place. Aujourd'hui tout est mis au même niveau. On nivelle les hiérarchies. L'adolescent ne sait plus discerner.

4ème dimension : une évolution du discernement spirituel pour trouver un sens à sa vie
L'adolescent a des valeurs très grandes, qui lui viennent de son enfance : le don de soi, l'émerveillement, etc. Il va ainsi développer son aspiration pour les grandes aventures et se poser de plus en plus de question pour donner un sens à sa vie et satisfaire sa quête de Vérités.

2ème partie : Quel monde attend nos adolescents et quelles sont donc leurs difficultés ?

1° Notre monde est sans limite (Internet, téléphonie gratuite sur Skype, TV).

Le problème de l'adolescent est de refuser toute limite et donc toute contrainte. La limite montre le Stop à ne pas dépasser. Et l'adolescent ne comprend pas pourquoi il y a un Stop.

Le garçon a une conduite à risques, car :
- il a un sentiment d'invincibilité (sports extrêmes, l'accident est pour les autres),
- il a un sentiment d'impunité (infraction à la loi jusqu'à 16 ans ce n'est pas puni),
- il joue avec sa santé (cannabis, alcool, tabac),
- il a une sexualité débridée et sans protection.

Il y a tout un niveau de conscience à développer chez les adolescents. Les parents doivent leur faire prendre conscience de leurs actes.

La plus grave dérive est donc la pornographie ouverte à tous vents. Aujourd'hui les jeunes n'ont plus conscience de transgresser un interdit. On est dans la banalité, par absence de règles. Dès le CM2 (soit avant la puberté) le sujet est banalisé. C'est vraiment ennuyeux pour des adolescents qui devront apprendre à aimer en vérité.

2° Le jeu vidéo enferme le jeune dans un monde virtuel et très réaliste. Il créé une obsession. Ainsi un garçon en est mort après 54 heures de jeu non stop. Ce monde virtuel favorise l'agitation et le bruit. Les jeunes ne savent plus faire silence. Les jeux qui demandent apprennent inconsciemment l'irresponsabilité, par exemple en obligeant le joueur à écraser un landau d'enfant pour avoir un maximum de points.

3° Notre monde a soif d'argent ; la finalité c'est de gagner de l'argent.

Les conséquences sur l'adolescent sont graves.

Les troubles du comportement sont :

- l'addiction : une dépendance, qui repose sur une envie répétée et irrépressible, en dépit de la motivation et des efforts du sujet pour s'y soustraire,

- et la compulsion : une pulsion puissante poussant à accomplir un acte que l'auteur sait inutile.

L'addiction aux substances (alcool et drogue) s'attaque au développement du corps de l'adolescent (son foie, ses poumons et son cerveau). La dérive de l'alcool dans les soirées devient très grave. La compulsion (par le jeu sur ordinateur et la pornographie) va conduire à un état de très grande dépendance.

Bien que les moyens de communication soient innombrables, les jeunes ne sont plus dans la rencontre. Ils échangent sans précautions sur Facebook, au risque que leurs écrits se retournent plus tard contre eux et compromettent gravement leur avenir. L'absence de repères conduit à un nivellement des différences. 80% des divorces sont demandés par les femmes, malgré leur aptitude à communiquer.

Pour rentrer dans l'altérité l'adolescent devra quitter son comportement narcissique, c'est-à-dire son amour de soi et l'importance excessive qu'il accorde à "l'image" de lui-même. Il faudra qu'il quitte son Moi pour aller vers l'autre. Le problème de l'adolescent est de ne pas comprendre qu'on ne grandit pas en abaissant l'autre. Il faut qu'il sorte du paraître du narcissique pour aller dans l'Etre de l'Adulte.

Le garçon est dans l'avoir (la possession) et le faire (l'action). La fille est dans le sentiment. Le problème de la femme est d'être dans le paraître. Dans le monde animal c'est le mâle qui est le plus beau (le paon, le coq, le lion,…). Dans le monde humain, c'est la femme la plus belle.

Les parents et les éducateurs doivent être des révélateurs de talents pour que l'adolescent sache qui il est et ce qu'il peut faire.

3ème partie : que pourrons-nous faire comme éducateurs et parents pour promouvoir des adultes sains, utiles et rayonnants ?

Le problème actuel est l'absence de références paternelles, dans un monde qui se féminise énormément (au niveau de la Justice et de l'éducation notamment). Chez le garçon l'absence de père se traduit par l'échec scolaire en fin de 3ème.

La femme est une vasque qui reçoit et qui perçoit tout. Le sensible et l'écoute sont donnés par la féminité. La femme est plus naturellement dans l'horizontalité, alors que l'homme est dans la verticalité ; il ne voit rien de ce qui l'entoure. La maman protège et le père fait passer l'enfant au monde. Une verticalité bien comprise du Papa sera donc une aide précieuse pour la maman, dans l'éducation de leurs adolescents. Le regard du papa est très important pour la fille ; cela lui donnera confiance en elle.

Le rôle des parents est de s'imposer (dressage) jusqu'à 6 ans, puis durant la grande enfance jusqu'à 10 ans de montrer l'exemple (l'enfant s'identifie à ses parents en les idéalisant), et enfin de faire autorité pendant  l'adolescence en mettant des barrières acceptables. Il faut toujours donner sa chance à l'adolescent pour qu'il puisse se reprendre après avoir pris conscience de ses égarements.

Les rives sont nécessaires pour le bon écoulement d'un cours d'eau. Si elles sont trop étroites, c'est le débordement, et si elles sont trop larges c'est le marécage. En éducation c'est la même chose ; il faut des limites claires et adaptées aux capacités de chacun. Comme un cours d'eau qui part d'une source, puis grandit (du torrent à la rivière et au fleuve) et se termine dans la mer, le jeune deviendra un adulte quand il saura poser ses limites de lui-même.

Les 7 vertus de l'éducation d'un adolescent sont :

1- la présence individuelle, pour partager et établir un lien en vérité,

2- la patience et la disponibilité face à un adolescent qui veut tout immédiatement,

3- la clarté pour lui donner envie de construire son projet d'avenir (indispensable à toute réussite),

4- la cohérence entre ce que vous dites et ce que vous faites (si vous vous êtes trompés, reconnaissez-le),

5- la confiance qui permet d'avancer et est l'expression de l'amour,

6- le respect de la personne (en frappant à la porte de sa chambre par exemple) et du lieu de l'intime (pas
d'intrusion, ni d'inquisition),

7- l'humour pour dédramatiser, relativiser les soucis de la vie (même et surtout si la situation de la famille est très difficile, en cas de chômage par exemple) et développer la joie de vivre en famille.



(Compte-rendu d'une conférence organisée par l'APEL de Notre-Dame du Grandchamp, trouvé sur Internet)

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